Nombreux sont ceux qui se questionnent sur la stratégie de Facebook pour l’avenir. Le géant des réseaux sociaux est-il encore en position de force? Quelles sont les différentes tactiques ou stratégies prévues à son agenda?
Dans ce dossier, nous allons tenter d’apporter des éléments de réponse à ces questions, tout en mettant l’accent sur ce que ça signifie pour le monde de la publicité.


La cotation en bourse de Facebook

Un des indicateurs les plus observés lorsqu’un investisseur en bourse évalue une entreprise est son ratio P/E (Price/Earnings). Le montant de ce ratio représente le nombre d’années qui vont être nécessaires pour que l’entreprise soit capable de rembourser le prix d’achat de l’action à ses actionnaires. Actuellement, le P/E moyen pour les entreprises côtées aux NASDAQ (l’indice boursier dans lequel est Facebook) est de 21.68. Celui de Facebook est de 136.
Cela signifie que Facebook a besoin de 136 années avec ses bénéfices actuels pour rembourser à ses investisseurs le prix de son action, c’est un des ratio P/E les plus élevés au monde.

Pourquoi donc les investisseurs acceptent-ils de payer 57$ pour une action Facebook? Comme souvent avec le secteur de la technologie, les investisseurs misent grandement sur les revenus potentiels et non actuels des compagnies. Autrement dit, les investisseurs pensent que les revenus de Facebook vont croître de manière importante au cours des prochaines années.

C’est à la fois une bonne et une mauvaise chose pour Facebook: bonne parce que la compagnie a accès à des ressources monétaires très importantes dès maintenant, et mauvaise parce qu’une forte pression s’exerce sur le réseau social pour que ses revenus continuent de croître. Nous allons donc présenter les différentes stratégies adoptées par Facebook pour étendre son nombre d’utilisateurs et proposer des nouveaux formats aux annonceurs, avec pour objectif principal d’augmenter ses recettes publicitaires.

La stratégie de Facebook

Facebook se trouve dans une situation délicate: des analyses très récentes montrent d’une part une diminution du nombre d’utilisateurs de 3% au niveau mondial, et d’autre part une baisse du nombre de 13-17 ans actifs sur Facebook de 25.3% (ainsi qu’une baisse de 7% chez les 18-24 ans) aux États-Unis comparé à 2011. Ceci s’explique notamment par l’émergence de nouveaux concurrents qui tentent de se frayer un chemin dans l’industrie des réseaux sociaux. Pour répondre à cette nouvelle menace, Facebook emprunte plusieurs tactiques.

  • Racheter ses concurrents

L’exemple le plus édifiant de cette tactique, c’est le rachat d’Instagram en 2012 pour 1 milliard de dollars. À l’époque, Instagram était (et est toujours) une des applications mobiles les plus en vogue, et Facebook souhaitait faire une entrée fracassante sur les téléphones intelligents. En plus de renforcer sa réputation de « mobile-first company », ce rachat a permit à Facebook d’intégrer Instagram à ses propres services, et par la même occasion de rattacher tous les utilisateurs du réseau social photographique à sa propre base d’utilisateur. Depuis, la publicité a fait son apparition dans l’application, diffusant à ses utilisateurs des annonces sous formes de photos seules, un format qui jusque-là n’était pas présent sur Facebook.

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Mais Instagram n’est pas le seul concurrent que Facebook a voulu racheter. Le service de messagerie Snapchat, qui permet d’envoyer des photos/vidéos qui s’effacent après avoir été visionnés, a attiré la convoitise de Mark Zuckerberg qui souhaitait rajeunir l’image de son « petit devenu grand ». Particulièrement prisé par les adolescents et jeunes adultes (qui justement sont moins actifs sur Facebook depuis plusieurs mois), Snapchat a repoussé les avances de Facebook, qui pourtant avait employé les grands moyens avec une première offre de 1.1$ milliard, et une seconde

magistrale de 3$ milliards. Cette acquisition, au-delà de s’emparer de l’audience d’un concurrent, aurait pu permettre à Facebook de proposer des formats innovants comme ceux que l’on trouve dans cet article qui permettent d’être au plus prêt de son utilisateur tout en jouant de l’aspect éphémère de la plateforme.

Étant donné que l’argent n’est pas toujours suffisant pour éliminer ses concurrents, Facebook a employé une seconde tactique à plusieurs reprises.

  • Imiter ses concurrents

L’été dernier, Facebook a transformé  l’une de ses fonctionnalités : le Poke. Cette nouvelle version est très similaire à l’offre de service proposée par Snapchat. En effet, le poke permet maintenant d’envoyer messages/photos/vidéo éphémères à ses amis Facebook. Cependant, cette fonctionnalité n’a pas eu l’effet escompté car très peu d’utilisateurs ont répondu à l’appel. Un premier exemple montrant qu’imiter n’est pas toujours la bonne solution pour évincer ses concurrents.

Pourtant Facebook n’a pas uniquement tenter de s’approprier les fonctionnalités de Snapchat. Face à l’ampleur de Twitter, le réseau social a aussi introduit les célèbres hashtags (#copieur) l’année passée. Un succès mitigé notamment lié au fait que leur utilité est moindre que sur Twitter. En effet, les hashtags sont utilisés sur Twitter afin de s’immiscer dans une conversation publique sur un sujet d’actualité. Sur Facebook les discussions sont souvent privées et entre amis, aucun hashtag n’est donc nécessaire pour prendre part à une conversation.

Et ce n’est pas fini! Depuis quelques jours, Facebook a déployé le Trending Topics : une fonctionnalité placée à droite de votre écran et qui permet de suivre les sujets les plus populaires en temps réel. La valeur ajoutée de Facebook par rapport à Twitter est de personnaliser ces Topics en fonction de votre profil et de vos intérêts.  Il est encore tôt pour pouvoir avoir un avis et faire un bilan sur cette nouvelle fonctionnalité, cependant certain trouvent l’aspect personnalisation encore peu efficace. Il est en tout cas possible que l’ajout de cette fonctionnalité puisse remettre sur la table le hashtag de Facebook, puisque des sujets publiques feront maintenant leur apparition dans le réseau social.

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L’apparition des Trending Topics montre en tout cas la volonté de Facebook de prendre part à l’information en temps réel. Un premier signe du souhait de la compagnie d’étendre son offre et de se diversifier au-delà du réseau social  et d’attaquer un nouveau marché : celui du Second Screen. Ce qui nous amène à la troisième tactique employée.

  • Étendre son offre de service

La rumeur court depuis maintenant quelques mois: Facebook souhaiterait devenir plus qu’un réseau social, et le premier secteur dans lequel la compagnie souhaite s’étendre est celui de source d’actualité. En plus des Trending Topics, Facebook serait en train de mettre sur pied un service d’aggrégateur de nouvelles similaire à Flipboard, la très populaire application mobile utilisée par 53M de mobinautes.

L’apparition d’une telle fonctionnalité pourrait amener des ajouts majeurs en termes de publicité. Jusqu’à présent, seul le ciblage par intérêt était possible sur Facebook (ainsi que le remarketing). Le réseau social regroupait ses utilisateurs en différentes audiences grâce à leur Likes et aux informations de leur profile. Avec l’apparition d’une fonctionnalité à la Flipboard, Facebook pourra désormais proposer de la publicité contextuelle aux annonceurs qui, de la même manière que sur les sites de presse (LaPresse.ca, LeDevoir.com, etc.), pourront choisir d’apparaître dans une section ou à côté d’un article qui traite d’un sujet spécifique. Ainsi, on pourrait par exemple voir des annonces pour Ford dans la section Automobile du « magazine » Facebook.

De plus, ce genre de transformation pourrait aussi mener vers l’apparition de nouveaux formats beaucoup plus visuels, comme des bannières traditionnelles ou Rich Media comme on en trouve sur LaPresse+.

Pour finir, il semblerait que Facebook songe aussi à diffuser de la publicité au-delà de ses propriétés. Un premier test va avoir lieu sur des applications mobiles autres que celles de Facebook. Les publishers et annonceurs associés à ce test sont encore inconnus, et c’est certain que cette fonctionnalité ne sera pas accessible à tous avant un moment. Cependant, cela pourrait signifier que Facebook songe à devenir une régie publicitaire « à la » Adwords, faisant ainsi évoluer son modèle d’affaire. Associé à leur capacité de ciblage impressionnante, passer par Facebook pour faire des campagnes sur une multitude d’autres sites pourrait devenir très attractif.

L’avenir nous dira si la stratégie de Facebook pour se réinventer est payante!

Article écrit par : Thomas Jacquesson et Melody Madar

 

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